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dimanche 5 octobre 2008

Plier sans rompre

La croissance enregistrée ailleurs sur le continent (plus de 6 % par an, comme au Sénégal ou au Mali) n'est certes pas au rendez-vous - elle a même été proche de zéro ou négative ces quatre dernières années. Les grands équilibres tremblent quelque peu sur leur socle. Mais l'effondrement de l'économie tant redouté, parfois pronostiqué et même annoncé comme inéluctable, n'a pas eu lieu. La Côte d'Ivoire ne s'est pas complètement affaissée. Et c'est là un miracle, un de plus après celui du boom des années 1970 et celui de la « guerre du cacao », au milieu des années 1980. Le pays a survécu à l'ère de l'argent facile - y compris au sommet de l'État - ainsi qu'à ses dommages collatéraux, à celle des vaches maigres, à celle de la longue fin de règne du président Félix Houphouët-Boigny. Il a survécu aux incertitudes liées à la disparition de ce dernier, au coup d'État de décembre 1999, aux turbulences d'une transition kaki qui aura duré pas moins de dix mois, à de multiples tentatives de putschs supposés ou réels. À une crise politico-militaire qui, depuis plus de trois ans, le tient divisé avec le nord du pays, fief de l'ex-rébellion, quasiment en sécession. À l'hostilité réelle ou fictive de tel ou tel voisin. À l'insoutenable partie de poker menteur dans laquelle semblent se complaire la plupart des différents acteurs. À la délocalisation de la Banque africaine de développement et au manque à gagner qu'elle a entraîné. Aux velléités de la communauté internationale, même si celle-ci n'a pas totalement baissé les bras de crainte d'entraîner toute la sous-région dans la chute de la maison Côte d'Ivoire. Rares sont sans doute les pays du continent qui auraient pu tenir. La Côte d'Ivoire est restée debout. Au prix fort, il est vrai : au lieu de 20 % de l'ensemble des économies de l'Afrique de l'Ouest, le géant nigérian inclus, elle ne représente plus aujourd'hui que de 10 %. Grâce notamment à une assise financière et industrielle autrement plus solide qu'ailleurs en Afrique. À son coton et à son cacao, dont la production et la commercialisation, quoique chahutées, n'ont pas été complètement désorganisées par le conflit. Aux hydrocarbures dont elle est exportatrice nette, ce qui n'est pas négligeable par ces temps où le baril se négocie autour de 60 dollars. Au secteur agroalimentaire, moins marginalement affecté que d'autres, qui continue de fonctionner. Grâce aussi, mais ce n'est peut-être pas, loin s'en faut, un brevet de bonne conduite, à l'arrêt du remboursement de la dette publique : quelque 522 milliards de F CFA d'arriérés. Voilà, entre autres, qui lui a permis de voir venir et qui pourrait ne pas peser lourd à l'heure des bilans. On n'en est pas encore là. Pour l'heure et depuis décembre 1999, le « gâchis » représente au bas mot 4 000 milliards de F CFA de pertes cumulées en production de valeur ajoutée. Soit 3 points de croissance économique en termes réels par an. Un chiffre estimé qui n'est pas sans conséquences sur la paupérisation des populations. Et qui est peut-être une limite, la ligne à ne pas franchir. Sauf à risquer de mettre tout l'édifice économique à terre et à compromettre le redémarrage que tout le monde croit possible. Pour peu, bien sûr, que la politique prenne le pas sur la menace des armes, que la paix et l'État de droit retrouvent droit de cité sur l'ensemble du territoire.

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