© Ivoire-Presse par IPM
Depuis le samedi 30 juin 2007, au lendemain de l`attentat qui a visé son avion, la résidence du Premier ministre à Bouaké ne désemplit pas: autorités militaires, autorités civiles, organisations politiques et de la société civile, diplomates, toute la nation lui témoigne son soutien. Photo: le Premier ministre a également reçu tous les chefs militaires des Forces nouvelles, faisant démentir les rumeurs de mésentente entre eux et lui. Ici, les commandants Koné Zakaria (1er plan) et Morou Ouattara (centre)
Ils sont dix. Ils constituent, dit-on, le grain de sable dans la machine de la cohabitation Guillaume Soro-Laurent Gbagbo. L’évocation de leurs noms et grades donne des ulcères à la Première Dame, Simone Gbagbo et à tous les caciques du camp présidentiel. Ils les détestent et ne s’en cachent pas. En privé comme en public, ils l’affirment. Ces commandants des opérations (CO) au lendemain du 19 septembre 2002, devenus après les reformes du secrétaire général de leur mouvement, Commandants de zone (Com’zone) constituent le socle du vrai pouvoir des ex-rebelles. Après maintes tentatives de démolition de l’organisation des FAFN, Laurent Gbagbo, à travers son ministre de l’Intérieur, décide maintenant d’affronter la problématique des chefs de guerre. Ce, à la faveur de l’application de l’Accord politique de Ouagadougou qui préconise le retour de l’administration centrale sur les zones contrôlées par les ex-rebelles. Aujourd’hui, le camp présidentiel exige la disparition pure et simple de ces ex-chefs de guerre au profit du corps préfectoral. Exigence saugrenue, souligne l’opinion, au regard des actions posées par ces soldats qui ont pallié l’absence des administrateurs sur plus de 60% du territoire national qu’ils ont géré en évitant toute catastrophe. Mais, qui sont ces seigneurs de la guerre à l’ivoirienne qui se sont imposés dans le débat politique national ? «Fiche technique» de ces anciens soldats et futurs retraités de l’armée ivoirienne, entrés en rébellion contre le régime de Laurent Gbagbo.
Zone 3 (Bouaké)
Cdt Chérif Ousmane, «Guépard» : Le Rambo
«C’est un excellent soldat», dit-on de lui, au Sud comme au Nord du pays. Il parle peu, mais est très craint. C’est un des piliers de l’aile militaire. Amoureux de la formation, il a initié plusieurs milliers de combattants aux tactiques commandos. Certains ont même péri, raconte-t-on, lors de ces entraînements rigoureux. Si Guillaume Soro est encore en vie, il le doit, en partie, à ce fidèle compagnon. Dans la bataille entre factions rivales de la rébellion, il a opté pour la «légalité». En effet, il y a quelques années pendant certains troubles dans la ville, orchestrés notamment par Bamba Kassoum, dit Kass et autres pro-IB, pour attenter à la vie de Guillaume Soro, le soldat, reconnaît-on, a fait le bon choix. À la tête de son unité ‘‘Les Guépards’’ il a croisé le fer avec les hommes de chef Kass pour qui la bataille a été fatale.
Dans l’entourage du chef de l’Etat, on le présente comme un partisan du ‘’Tout Sauf Gbagbo’’.
Cet ancien de la Force d’intervention para-commando (Firpac) est adulé par la troupe. Ses bérets verts sont ceux qui tiennent le pouvoir à Bouaké. Quand Guillaume Soro est hors de la zone, il peut dormir tranquille. «Papa Guépard», soutiennent ces compagnons, «ne recule devant rien. Il aime le feu et l’adversité». De fin 2002 à début janvier 2003, Chérif Ousmane, le «Rambo» du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) est allé mettre fin au règne des supplétifs libériens dans l’Ouest du pays. Lorsque le régime décide de reconquérir les zones sous contrôle des ex-rebelles en novembre 2004, les ‘‘Guépards’’ sortent leurs griffes.
C’est ce combattant et fidèle de Guillaume Soro que la maladie a failli faucher. Après plusieurs mois d’absence, le Commandant de la zone de Bouaké est rentré triomphalement le 31 mars dernier au bercail. «Je suis venu continuer mon travail», dit-il à la foule en liesse. Empêcheur de tourner en rond, cet ancien chauffeur du général Doué Mathias (ex-CEMA) sous la transition, refuse d’adopter le profil bas. Leader charismatique, on le présente comme le gardien du pouvoir de Bouaké.
«Laurent Gbagbo traîne trop de casseroles. C’est Charles Taylor ! Il n’est certainement pas prêt à lâcher le pouvoir et prendre le risque de redevenir un citoyen comme un autre. Or, je suis convaincu que même s’ils l’emportent au premier tour, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, uniront leurs voix pour que ce soit l’un d’eux qui gagne le second tour. Et si les appareils politiques n’en décident pas ainsi, les militants le feront pour eux. Moi, jusqu’ici, je n’ai jamais voté : cette fois, j’irai. J’irai voter pour le changement. Et d’ici là, je marche pas à pas vers la paix». Ces propos tenus dans le magazine panafricain, Jeune Africain (juin 2008) font grimper son impopularité au sein du régime. Mais, il n’en a cure.
Zone 2 (Katiola) :
Cdt Touré Hervé
Pélikan, «Vetcho» :
L’armurier
Il est le Commandant du Bataillon mystique (BM). Dans un passé récent, il était reconnaissable par sa barbe. Au début de la guerre, c’est lui qui encadrait les chasseurs traditionnels « dozos ». Il règne sur Katiola, Dabakala, Niakara, Tafiré. Mais, son poste de commandement (PC), il l’a définitivement installé à Katiola, sa ville natale. Il est l’un des piliers de Guillaume Soro, dont il est le chef d’Etat-major particulier. Sa passion pour la révolution le caractérise. Au chevet de son lit et dans ses salons, les ouvrages et les images du révolutionnaire cubain, Che Guevara, foisonnent. Il explique à ses proches, à l’image de son idole, faire « don de sa personne pour la libération » de son peuple. Membre de la première promotion de la FIRPAC, il a également traîné sa bosse à la Garde Républicaine (GR), au 3ème bataillon et au service des Transmissions à l’Etat-major des Armées. On le présente comme un homme de missions.
Au sein de l’armée de terre, il a fait tous les corps sinon presque : commando, GR, sapeur pompiers, 3è bataillon. Face aux dérives tyranniques et tribales de la refondation, ce fils d’ancien Commissaire de police, a pris le chemin de l’exil.
Lorsqu’à la faveur des accords de Ouagadougou, le secrétaire général des FN accède au poste de Premier ministre en mars 2007, le ‘‘Che’’ comme l’appellent les intimes, est chargé de former le GSPM (Groupement de sécurité du Premier ministre). On le voit au four et au moulin, lors des premières sorties de son patron. Le treillis ‘‘tempête du désert’’ qu’il affectionne tant est tronqué contre le costume. Mais avec la troupe, le lien est resté fort. Il commande simultanément sa zone et le GSPM. Après quelques mois, il est rappelé à Katiola et Bouaké pour veiller sur la base de Guillaume Soro. Après les remous dans la zone, il est celui qui détient l’essentiel de l’artillerie. Il forge respect et considération. Dans la zone 2, la discipline est sacrée. «On obéît à l’œil et au doigt du Commandant», se plait-il à dire.
C’est ce solide gaillard que Mme Simone Gbagbo, lors de sa première visite dans le nord est allé défier dans son fief en août 2008. Son calme a sauvé le pays d’une autre tempête.
Zone 8 (Odienné) :
Cdt Ousmane Coulibaly, «Ben Laden» :
le ressuscité
Dans le groupe, on l’appelle le sage. Il est aussi un ancien para-commando. Ce natif du pays Sénoufo, issu de la nouvelle sous-préfecture de Siempurgo, dans le département de Boundiali, se compte parmi les fidèles du Secrétaire général des FN. C’est une icône du MPCI qui a connu des fortunes diverses. Parmi les figures emblématiques de la rébellion, il a choisi de s’identifier au célèbre Ben Laden, l’ennemi n°1 des Américains. En plus du brevet de commando, Ben Laden est diplômé en transmission. Au début de la révolution, version MPCI, il dépose ses valises à Korhogo où il était au service de transmission. Puis, il se retrouve Commandant des opérations à Man. Mais il a maille à partir avec certains compagnons dont le célèbre Adam’s ou Adama Coulibaly, lieutenant de IB. On se rappelle d’une interview qu’il a accordée à une équipe de reportage de Frat Mat dans sa zone et qui a valu au journaliste son prix Ebony en 2004. Contraint de quitter Man, Ben Laden retourne à Korhogo. Entre temps, la guerre pour le contrôle de la rébellion entre Guillaume Soro et Ibrahim Coulibaly bat son plein. Entre Ben Laden et IB, c’est le divorce. Après une traversée du désert, Guillaume Soro, permet au «sage» de rebondir en le nommant Commandant de secteur Niellé, Diawala et Pogo. Les choses allant pour le mieux, il est depuis, le Commandant de zone d’Odienné.
Zone 10 (Korhogo).
Cdt Fofié Kouakou :
«M. Développement»
La Cité du Poro l’a adopté et en a fait un de ses fils. Ses liens avec Korhogo sont devenus affectifs. Il a dans cette ville, épouse, enfants et réalisations. Avant la guerre, il était en service à la Compagnie territoriale de Korhogo (CTK). Contrairement aux autres villes où les ex-rebelles ont pris pieds, Korhogo est de loin une ville qui ne respire pas la guerre. Le «barbu de Korhogo» dirige avec une main de fer, la cité de Nanguin Coulibaly. Son unité Arc-en-ciel, plus connu sous le nom de Fansara 110 (le nom de sa cellule de prison) est l’une des plus disciplinées. Laurent Gbagbo sait que Fofié ne l’aime pas. Mais à la faveur de l’accord de Ouagadougou, il a dû policer son discours comme bien d’autres chefs de guerre. Beaucoup craint au Sud, il multiplie les actions pour montrer au Secrétaire général des Forces Nouvelles et à la communauté nationale et internationale qu’une rébellion peut faire du développement. Pour preuve, « la statue du combattant » qui plastronne à la place de l’Indépendance à Korhogo qu’il a dédiée aussi bien aux FANCI qu’aux FAFN. A son actif également, la construction d’un centre culturel pour les populations, la réfection de certains bâtiments administratifs. En outre, tous ceux qui ont fait le déplacement dans la cité du Poro sont tombés sous son charme. Et ne tarissent pas d’éloges à l’endroit de ce natif du pays Abron. Ils peuvent témoigner que Korhogo est une ville propre.
Seule ombre dans cette lumière, les méthodes de répression de Fofié qui ont parfois laissé perplexes les organisations des droits de l’homme. Sous sanctions onusiennes depuis 2006, cet ex-chef de guerre se consacre désormais aux ouvrages d’utilité de la zone qu’il gère. Très populaire, le barbu organise sa retraite programmée par les accords de Ouagadougou.
Zone 1. Cdt Morou
Ouattara, « Atchengué » : le sportif
Petit de taille, ce soldat n’en demeure pas moins un homme qui se veut « nerveux ». Au début de la rébellion, il s’est fait remarquer avec ses éléments, parmi lesquels de nombreuses jeunes filles. «Atchengué (le nom de son unité) en Moré qui veut dire, « on y va » pour galvaniser sa troupe. De Bouaké, il a atterri à Bouna pour faire un kyste. Sa présence à l’Est répondait au souci de son patron de verrouiller les frontières ghanéennes de son mouvement à un moment où des velléités d’attaques se faisaient jour de ce coté. Quand il y a des mouvements insurrectionnels dans la zone, Guillaume Soro lui fait régulièrement appel. Cet ancien boxeur de la Société omnisport de l’armée (SOA) est plus présent à Bouaké que dans sa zone. Il est également l’adjoint de Issiaka Ouattara dit Wattao, Com’zone par intérim de Séguéla. Récemment, c’est lui qui est monté au front pour répondre au camp présidentiel sur la gênante question de passation des charges entre Préfets et Commandants de zone. « Nous allons remettre les clés de nos zones, mais pas à n’importe quel prix. Le ministre Tagro veut passer en force, pourquoi veut-il nous brusquer?», indiquait-il à J A.
Zone 4 (Mankono) :
Cdt Ouattara Zoumana
« Zoua » : l’homme
de la Com
Au commencement de la rébellion, était une bonne communication. Lui, sa guerre, il l’a faite dans la communication. Il était le premier interlocuteur de la presse au sein de l’état-major des Armées des Fn. Lieutenant Zoua, c’est ainsi qu’il s’appelait, venait juste de terminer sa formation à l’Ecole des forces armées (EFA) . A l’état civil, il se nomme Ouattara Zoumana. Nommé Commandant, à la faveur d’une des reformes sous Guillaume Soro, le commandement de la zone de Mankono lui a été confiée. Cet originaire de Ferké, est un homme sans troupe réelle. Mais, à l’épreuve du terrain, il s’est révélé très appliqué. Nommé pour corriger une crise de confiance née entre son prédécesseur et ses éléments, il semble avoir donné satisfaction à sa hiérarchie. Le calme est revenu à Mankono. Sa zone qui est l’une des plus enclavée du territoire de Soro, sort peu à peu du délaissement.
Zone 6 (Man). Cdt Losseni Fofana, « Loss » :
L’intrépide
L’unanimité est faite autour de lui. C’est un vaillant soldat. Son flegme contraste avec tous les superlatifs mélioratifs qu’on lui attribue. Cdt Loss, à l’état-civil se nomme Fofana Losséni. Il est le ‘‘gardien’’ de Man. Une zone parmi les plus difficiles car frontalière du Libéria et de la Guinée. Cet ancien de la FIRPAC, classe 93/2A est revenu d’exil avec le commando du 19 septembre 2002. A Bouaké, il a évolué sous la coupe de son ancien, Chérif Ousmane. Quand il s’est agi d’aller débarrasser l’ouest des combattants libériens, il était de l’expédition. Ensemble, ils ont fait le coup de feu. Avec des plombs qu’il a pris dans une de ses jambes, il boite désormais. La guerre entre Ben Laden et Adam’s ayant entraîné le changement de tout le commandement de Man, Loss a été appelé pour mettre de l’ordre. Depuis lors, il est le maître de la capitale de la Région des 18 montagnes.
Zone 9 (Boundiali) :
Cdt Koné Gaoussou
« Jah Gao » :
Un homme effacé
En revisitant les images du coup d’état de décembre 1999, il réapparait dans les souvenir. Il est visible, debout, derrière le chef de la junte militaire, le général Gué Robert. Mine patibulaire et kalache en main. Il se nomme Koné Gaoussou. Il était membre du groupe qui est allé chercher le défunt général à Kabacouma pour diriger la Transition. Très présent sous la transition, il a été moralement marqué par les assassinats de ses compagnons. Après l’exil avec les autres, il est rentré pour combattre Gbagbo et la « xénophobie ». Com’secteur à Kong, il est nommé à l’issue du séminaire de mai 2006, Commandant de la zone Boundiali-Tingrela. Son rôle premier était de ramener la confiance et assurer la cohabitation pacifique entre nomades peulhs et populations autochtones.
Zone 7 (Touba) :
Cdt Aboudrahamane Traoré, «Dramane Touba» : le nouveau
C’est le benjamin de la classe, le dernier promu à ce poste par Soro. Il est ancien sous-officier des forces armées loyalistes. On ne lui connaît pas de hauts faits d’arme. Un peu timide, c’est un homme discret. S’il passe inaperçu, ses hommes reconnaissent en lui un combattant efficace.
A l’EFA puis au 3è bataillon de Bouaké, dit-on, il a évolué dans les sillages de Chérif Ousmane. Il était com’secteur à Touba avant d’être nommé Commandant de zone en remplacement du Cdt Big, devenu chef de cabinet du chef d’Etat-major, le général Soumaïla Bakayoko. C’est l’illustre inconnu de l’appareil des Com’zones.
Zone 5 (Séguela) :
Cdt Ouattara Issiaka, Wattao : Le reconverti
Ce solide gaillard, pratiquant de judo s’est révélé aux Ivoiriens comme Zakaria Koné. Cet ancien de la Société omnisport de l’Armée (SOA) est le patron d’une unité d’élite de Bouaké, «Anaconda» qui, au fur des années, s’est tempéré. Il est un inconditionnel défenseur du secrétaire général des Forces Nouvelles. Lorsqu’il s’est agi d’adjoindre un ex-exilé au chef d’Etat-major, le général Soumaïla Bakayoko, le choix s’est porté sur lui. Le public le décrit comme aimant le grand luxe. Vu comme un mélomane attitré, Wattao est devenu un show maker. C’est une star qui draine du monde dans les rues abidjanaises. Il cumule ses fonctions de Cema adjoint et de Com’zone par intérim de Séguéla. A la faveur de la signature de l’APO, Wattao, très connu pour ses attaques et coups de gueule contre le régime dès le début de la crise, s’est mué en ardant défenseur des accords de Ouaga. Ses liens avec les ‘’jeunes patriotes’’ sont désormais au beau fixe. Et son amitié avec Charles Blé Goudé, le chef de file des partisans de Gbagbo, sont sujettes à caution. Ennemis jurés hier, aujourd’hui, Wattao est le meilleur allié du capitaine de corvette, Konan Boniface, commandant du théâtre des opérations (Com’theâtre).
Mais Wattao sait où il va : ‘’Les temps ont changé. Et Wattao d’hier n’est plus Wattao d’aujourd’hui. Nous avons signé un accord qui a donné la paix aux populations. Il faut aller dans ce sens’’, répond-il à ceux qui soutiennent ne pas comprendre ses amitiés avec le général de la rue. Les légendes et autres témoignages sur Issiaka Ouattara ne manquent pas. Certains le présentent comme le tombeur de ses dames, d’autres par contre soutiennent qu’il a un penchant pour les voitures de luxe. En tout état de cause ‘’Sabélébélé’’, son autre surnom, est un homme qui mord la vie à pleines dents.
lundi 20 avril 2009
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