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lundi 24 novembre 2008

Mémel-Fotê repose à Mopoyem : Adieu, Prince de la pensée

Le célèbre anthropologue et député de Dabou sous-préfecture, Harris Mémel-Fotê, a été inhumé samedi dernier. Tapis rouge. Garde d’honneur. Du beau monde. Avec, entre autres, les membres de la société savante ivoirienne, l’Ascad, dont le défunt était le président, sanglés dans leur toge d’immortel. Tout était réuni pour rendre un honneur mérité au professeur émérite, Harris Mémel-Fotê. Le Chef de l’Etat, en tête, accompagné de son épouse, arrivé à Mopoyem à 11 h 30 mn, a tenu à être témoin de la cérémonie de cet ultime départ de celui qu’ils appellent tous : le Maître ou Mémel-la Montagne ou selon la belle expression du Pr Séry Bailly, «le prince de la pensée ivoirienne». Après les cérémonies d’usage, Sob Esmel, l’oncle du défunt, a pris la parole au nom des fils et filles du Leboutou. Il a remercié le Président de la République pour son apport inestimable aux obsèques de feu Harris Mémel-Fotê. Sob Esmel, parlant du défunt, a dit qu’il était un homme d’ouverture et de paix à l’endroit de qui Houphouet Boigny disait «tout le monde peut m’assassiner sauf Mémel-Fotê malgré ses idées marxistes». C’était un homme de paix qui, au soir de sa vie, contre la maladie, se battait pour asseoir une philosophie de la paix, l’irelogie. Un appel pathétique à un pays qui aspire à la paix, dans un continent englué dans des crises de tous ordres. Les enfants Fotê ont, par la voix de l’un des leurs, fait un témoignage qui a soulevé des émotions dans la foule. « Nous retenons de notre père qu’il ne nous a jamais habitués à la facilité. Il nous disait de nous battre pour nous faire une place au soleil », a révélé le porte-parole de la famille éplorée. Il est revenu au Pr Séry Bailly de rendre l’ultime hommage du Front populaire ivoirien à l’anthropologue. Ce dernier a rappelé à tous les termes du poète Bohui Daly qui assimile Mémel-Fotê à une Montagne en l’appelant “Memel la montagne”. «Il n’est pas facile d’embrasser une montagne en un seul regard, Fotê est un héros adjoukrou et africain devant la mémoire de qui chacun doit s’incliner», dira-t-il, avant de souligner que le FPI pleure l’un de ses plus illustres militants. Dans son homélie, le pasteur Samuel Opponou, surintendant du District de Yopougon de l’Eglise Méthodiste Unie dira du défunt « il a mené le bon combat » dans une synthèse de «la foi et la bonne conscience». Harris Memel-Fotê a été élevé par le Président de la République, Son Excellence Laurent Gbagbo à la dignité de Grand-croix de l’Ordre national à titre posthume. L’illustre défunt a été inhumé aux environs de 13 heures au cimetière de Mopoyem. Il avait 78 ans. Michel Koffi et Gueu Edison Correspondant Régional Une veillée funèbre sobre et hautement spirituelleMemel-Fotê était un homme sobre, loin des considérations matérielles et matérialisant de ce monde « Les choses du monde passent, mais l’esprit reste éternel », disait un sage. L’esprit d’humilité de Memel-Fotê a dominé, de bout en bout, cette veillée funèbre qui, en d’autres lieux, rassemble des échos si divers qu’il trouble souvent le repos de l’âme du défunt. A Mopoyem, son village natal, la chapelle ardente a été dressée en face de la cour familiale. Là, sous les bâches, les nombreux parents et amis de Fotê ont pris place aux environs de 20h. Cependant, c’est à 21h 30 que les choses ont commencé, avec l’arrivée de la fanfare de Toupa qui a entretenu une ambiance chaude jusqu'à 23h. Puis, ce fut le tour de l’Eglise Méthodiste Unie de diffuser des passages bibliques entrecoupés de cantiques. Dans son message central, pasteur Affi Akpa a invité les intellectuels à lire la Bible après avoir lu les livres savants et à s’incliner devant Jésus-Christ qui n’est pas un savant, mais le savoir-même, afin d’épargner l’âme des tribulations de l’enfer. Notons qu’à cette cérémonie était présente la délégation du Fpi conduite par son président, Affi N’guessan. D’autres personnalités éminentes de la région et du pays ont suivi la délégation du Fpi dans le recueillement. La musique religieuse a bercé les nombreuses personnes qui ont effectué le déplacement à Mopoyem. Ce, jusqu’au petit matin.Gueu Édison Correspondant Régional Accueil triomphal à DabouVendredi 21 novembre. Le Léboutou s’est réveillé sous les bruits de l’attoungblan ou l’attigbani tam-tam parleur qui appelait tous les Odjoukrou et leurs hôtes à se rendre à la Place de l’indépendance pour un ultime hommage à Harris Mémel-Fotê. Dès le lever du jour, un remue-ménage au centre- ville signalait que ce jour n’était pas ordinaire. Les gardes municipales et la police réglaient la circulation pour permettre aux écoliers et aux élèves de former une haie d’honneur. Les populations, massées des deux côtés de la voie principale, de l’entrée de la ville à la Place de l’indépendance, longue de près d’un kilomètre, scandaient le nom du maître de la «Pensée discursive» et de son filleul, le Président Laurent Gbagbo. Ecoliers, élèves, étudiants, hommes de la rue, femmes, enfants, vieillards, tenaient à voir la dépouille mortelle de celui qui a été et qui demeure l’icône, la fierté de cette région. Du corridor à la place Bédié comme à la Place de l’indépendance, le dernier passage du «Baobab de Mopoyem» était sur toutes les lèvres. On épiloguait sur sa vie riche en évènements singuliers, d’actes de bravoures de témérité jadis face aux colons, etc. Bref, une journée ne pouvait suffire aux peuples du Leboutou pour se souvenir du riche patrimoine humain qu’est Harris Mémel-Fotê. A midi et quart, la dépouille mortelle arrive et est saluée au ralenti par une foule écartelée entre le moment délicat du deuil et le souvenir. C’est à ce moment que le maître de cérémonie, dressé sur un command-car, rappelle tout le monde à l’ordre : «Il ne faut pas pleurer, le maître n’aime pas cela, ce serait une offense à sa mémoire, car il n’est pas mort et il nous dit de nous réjouir à son passage. Applaudissons donc» . Et des cris s’élèvent de la foule immense massée de part et d’autre du boulevard de la Paix qui traverse la ville. Des tonnerres d’applaudissement accueillent chaque passage. A la Place de l’indépendance, face au bureau de la Sous-préfecture, la dépouille mortelle est accueillie par le corps préfectoral, la classe politique régionale, la chefferie traditionnelle, la Fesci et le Forum des étudiants adjoukrou, Fea, le Cojes et une population nombreuse. Rappelons que dès son entrée dans la ville, le cortège du défunt député de Dabou sous-préfecture a été escorté majestueusement par la Fesci, jusqu’au lieu des cérémonies. Là, tour à tour, le corps préfectoral, les élus, parents et amis de sa classe d’âge ont fait un piquet d’honneur. Pour le député de Dabou, De Gnagne Claude, l’illustre disparu ne risque pas qu’on porte un deuil sur sa mémoire si vivace : «il faut se réjouir que Fotê se repose un peu, car il a intensément vécu, produit de nombreux arbres fruitiers et est parti fidèle à sa conviction». L’honneur est revenu au président du Forum des étudiants adjoukrou, de revisiter la vie richissime de l’homme, celle de l’étudiant, de l’intellectuel révolté, du bâtisseur de la conscience noire et du pionnier de l’indépendance véritable de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique contemporaine. Pour René Djedjemel Diby, président du Collectif des chefs traditionnels, Fotê reste l’icône que le temps ne pourrait flétrir. Kobi Adjebi, qui fait partie de sa classe d’âge, dira : «Nous demandons au Seigneur d’ouvrir les intelligences de nos enfants, afin qu’ils ressemblent à Harris Mémel-Fotê». Le préfet de Dabou, M. Zougbo Ahipo Léon, a clos les hommages à l’illustre défunt en disant : «Fotê est un temple culturel». Avant de prendre le départ pour Mopoyem, son village natal, Harris Mémel- Fotê a eu droit à l’exécution de «l’Etekpre», la danse des nobles. Sur la route de Mopoyem, une escale a eu lieu à Boubouri, le village-ancêtre des Adjoukrou.

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