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lundi 20 octobre 2008

Réussite sociale : Le parcours exemplaire d’une femme partie de rien


En l’espace de quelques années, Koffi Ahou Madeleine est devenue incontournable dans le milieu de la restauration africaine à Yamoussoukro.
Il est à peine 6 h du matin, le 106, maquis en bordure du lac n°8 au quartier Assabou, grouille de monde. Dehors, de nombreux véhicules sont immobilisés. On y distingue des pick-up, des cargos militaires, des motos et autres. Leurs occupants font partie de la délégation présidentielle qui séjourne en ce moment à Yamoussoukro. Ils sont venus là, à pareille heure, prendre le petit déjeuner, car ils doivent reprendre très tôt le service. A l’intérieur, sur leurs tables, de copieux plats ivoiriens, foutou, riz accompagné de viande de brousse. A côté, des bouteilles de vin et de bière pour accompagner les plats. L’ambiance est conviviale. Serveuses et serveurs vont et reviennent. Dans la cuisine, 8 grosses marmites (n°30) sont au feu. Une dizaine de jeunes filles sont à la tâche. Certaines pilent du foutou, tandis que d’autres s’activent à assaisonner la sauce.
Pendant ce temps, une dame de 52 ans, superbement habillée d’un pagne wax bien confectionné, débarrasse une table ; pour faire de la place à d’autres clients qui viennent d’arriver. Elle s’approche d’une autre table pour savoir si les occupants sont bien servis ou s’ils sont satisfaits. Elle intervient rapidement là où il y a une petite faille. Elle, c’est Mado. A l’état civil, Koffi Ahou Madeleine, propriétaire du maquis. Où dès 6 h, voire 5 h, du matin, les visiteurs qui, séjournent dans la cité des lacs peuvent s’offrir un bon repas, outre le café. Ce qui attire d’ailleurs du monde. Il y a aussi la qualité de la cuisine, comme l’a noté M. Jean Baptiste Kouassi, rencontré dans le restaurant. Selon la tenancière ce sont environ, 200 à 300 personnes qui sont quotidiennement reçues là.
A en croire un cadre avec qui nous avons échangé, Mado rend un très grand service à Yamoussoukro. Grâce à elle, fait-il remarquer, la majorité des visiteurs n’ont pas de souci pour leur nourriture. Surtout que l’on y est servi à moindre coût. Ce qui fait qu’ils n’hésitent pas à y revenir.
Et pourtant, celle-ci est partie de rien. Elle n’a bénéficié ni d’un prêt bancaire, ni d’une aide quelconque. Mais c’est plutôt par le travail et la persévérance, qu’elle a atteint ce stade.
Veuve depuis 2002 et mère de 3 enfants, c’est en 1988 que Mado s’est lancée dans la restauration. Venue d’Attiégouakro, chef-lieu de sous-préfecture situé à une vingtaine de kilomètres à l’est de Yamoussoukro, celle-ci s’est installée dans une habitation qu’elle occupe encore aujourd’hui. A l’aide de 2 petites marmites (n°2) qu’elle nous a montrées, et avec des produits comme l’igname et les condiments, issus de son champ, elle commence la restauration dans une baraque de fortune dressée devant sa porte. Le début n’a pas du tout été facile. Car sur 10 plats qu’elle préparait, elle en vendait à peine 2. Bien que le plat coutât 200 F.
«J’ai failli abandonner. Ce sont des handicapés physiques à qui je donnais les plats invendus qui m’ont encouragée. Ils se sont engagés à m’aider en prestant dans ma baraque avec leur groupe musical. Leur danse singulière attirait les curieux. Qui, pour passer le temps, achetaient des plats ou de la boisson. Face à la forte demande de boisson, j’ai passé une commande d’un casier de bière et autant e vin que m’a livrés à crédit un fournisseur. Je glaçais cette boisson dans des seaux. Petit à petit, j’ai commencé à avoir de la clientèle et par ma gestion, j’ai réussi à m’en sortir. Aujourd’hui, je prépare 200 à 300 plats, selon l’affluence. Je commande un stock de 150 casiers de boisson. emploie 16 personnes dont 4 garçons. Leur rémunération varie entre 10 et 25.000 F selon les tâches. Alors qu’au départ, il était difficile pour moi de faire une recette de 1000 F. Je ne gagne rien, mais je ne me plains pas aussi. Quand bien même je n’ai jamais été à l’école.» à-t-elle révélé.
A la vérité, son succès, elle le doit à son abnégation au travail et à la persévérance. En effet, Mado se réveille à 2 ou 3 h du matin. Pour être au rendez-vous des consommateurs dès 5 heures. Elle n’arrête le service que vers 20h ou 21 h. Après le service du matin au restaurant, elle passe l’après-midi dans ses champs d’où proviennent ses provisions, tubercules et condiments, notamment elle dispose de plusieurs hectares de manioc et d’igname. En dehors de la viande qu’elle achète sur le marché, elle s’approvisionne en poisson au bord du fleuve Bandama, dans la région de Tiébissou, où elle travaille avec un groupe de pêcheurs. Il lui arrive de passer parfois 3 jours dans cette localité avant d’obtenir sa provision.
Par son activité, elle s’est bâtie une maison de 6 pièces dans son village. Elle pense déjà à la relève, en initiant sa fille qui ne va plus à l’école à la cuisine. Aux jeunes filles et à toutes les femmes, elle donne ce conseil : «Je n’ai pas eu des millions avant de commencer mon commerce. C’est d’abord à la sueur de mon front. Ce n’est pas le fétiche ou la débauche qui enrichit. Tout s’apprend. Et il faut aimer ce qu’on veut faire pour y mettre du sérieux. Seul le travail et le courage paient».
Le rêve de Mado est d’ouvrir un dépôt de boisson et construire un hôtel. Son handicap, c’est que le local qu’elle occupe n’est pas le sien. Ce qui l’expose à certaines difficultés. C’est à ce niveau qu’elle attend le concours des autorités locales, pour l’acquisition d’un terrain. En vue d’y délocaliser son restaurant..
Koffi Kouamé
Entre nous : Leçon de courage
L’abnégation a toujours payé ceux qui en ont fait un trait de caractère dans leur vie. Singulièrement, quand il s’agit de se forger un destin professionnel. Pour une femme, le fait revêt tout son attrait, surtout quand celle-ci ne dispose au départ pour seul capital que de l’unique volonté de réussir. Or, il est désormais établi, que la détermination ne peut à elle seule aujourd’hui, garantir un quelconque succès social. Il faut pouvoir transcender plus d’un obstacle. Se remettre sans cesse à l’ouvrage après plus d’un échec. Telle une philosophie de vie, dame Koffi Ahou Madeleine dite Mado s’est imprégnée quotidiennement de ces vérités premières, pour se faire une place dans la société. Mieux, dans cette myriade de maquis et autres restaurants dont regorge la capitale politique, elle a su conférer cette originalité à son entreprise que toute sa clientèle salue. Il s’agit de sa capacité à pouvoir servir à manger différents repas dès que le jour point à l’horizon. C’est assurément là, un fait qu’on ne rencontre pas chez la plupart des tenancières de maquis de Yamoussoukro. Le réussir chaque jour qui passe, et glaner en retour les félicitations ici et là, est tout simplement une performance à souligner. Pour tout dire, Mado est une référence sûre de la femme qui a su se faire et dont la jeune génération, portée sur les facilités pécuniaire gagnerait plutôt à imiter.
par Moussa Touré

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