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lundi 9 février 2009

Abdoulaye Traoré dit Ben Badi : “Je n’ai jamais été cleptomane”

Ben Badi a mis ses contemporains d’accord.?Champion d’Afrique en 92, il a
livré un match d’anthologie contre le?Ghana en 94, en avant de s’éloigner
des stades.?Sur lui, beaucoup de choses ont été dites. Après des données de
silence, il rompt l’omerta et dit tout.

Alors que vos compagnons de 1992 sont pour la plupart des encadreurs, vous semblez
avoir privilégié les affaires ?

Ce n’est pas totalement vrai. Le football m’a tout donné. Je ne peux rien
faire sans le foot. La preuve en est qu’aujourd’hui, je suis à la Fédération
ivoirienne de football depuis plus de 3 ans. A cet effet, je suis le chargé de
mission du Président de Jacques Anouma auprès des sélections des jeunes. A
savoir, les minimes, les cadets, les juniors et les espoirs. Nous avons constitué
une équipe de juniors avec Gouaméné Alain, Amani Yao, Bakari Koné.
Aujourd’hui, nous faisons tous partis de la sélection des jeunes. C’est nous
qui étions à Kigali au Rwanda. Malheureusement, ça c’est mal passé.. Mais, je
pense qu’il faut positiver surtout parce que nous avons une expérience à
apporter aux sélections de jeunes. Nous avons fait un faux pas, mais je crois que
nous avons beaucoup à donner au football ivoirien. Raison pour laquelle je souhaite
que nous soyons plutôt critiqué au plan technique. Quant à nous-mêmes,
nous essaierons de nous améliorer. Pour finir, je dirai que c’est à ce milieu
que je m’identifie et j’y suis fortement attaché.

Il est souvent difficile de parler de soi, mais pour la première fois Abdoulaye
Traoré peut-il nous révéler pourquoi il a supplanté tous ses amis ?

Au niveau de la Côte d’Ivoire, je me suis entouré de gens sérieux. J’ai eu
la chance de côtoyer des gens comme Gadji Céli Saint Joseph avec qui j’ai
gardé de bonnes relations. Pour moi, tout est une question de départ et je me suis
mis au travail dès le départ. Mon essor dans le football, était pour moi un souci
et une ambition à réaliser vaille que vaille. Au Stella, je dois mon talent à
ceux qui m’ont bien encadré. C’est ce qui a concouru à mon évolution à
l’Asec. Le fait que j’ai été un international provient de tout le sacrifice
que j’ai fait et de ceux qui m’ont formé. J’ai à mon actif plus de cent
sélections en l’équipe nationale. Cela semble passer inaperçu, mais j’ai
marqué plus de 85 buts. Je me suis beaucoup régalé en équipe nationale.
Vraiment, j’y ai passé un très beau moment. Et Dieu merci, cela s’est
concrétisé par la coupe de 1992 au Sénégal, où on avait un groupe
fantastique, fabuleux et très solidaire.

Avec ce talent que toute la nation ivoirienne, toute l’Afrique et le monde entier
a reconnu en vous, qu’est-ce qui explique cette chute dans votre carrière,
comparativement aux académiciens qui font leur preuve en ce moment ?

Tout est une question d’époque et de temps. Ils ont eu leur époque. Ils ont
plein d’argent. Franchement, je crois que j’ai fait une excellente carrière,
parce que je pense que je me suis donné à fond. J’aurai souhaité jouer dans les
grands clubs, être de plus en plus meilleur, faire une grande carrière.
Malheureusement, le milieu changeant beaucoup, la chance n’a pu être de mon
côté. J’ai mené une carrière au niveau de l’équipe nationale comme il le
fallait. Pour ce qui m’est arrivé, je me suis soumis à la volonté de Dieu. Tout
ce qu’Il fait est bon. Et nul ne doit l’oublier, Dieu a tracé à chacun une
trajectoire singulière. Nul ne demande à être malheureux, c’est lui qui trace
les sillons de notre avenir. Il a la science de ce que l’homme deviendra. Et
c’est le sort qu’il m’a réservé. Il faut positiver, mon talent est plus
qu’une fierté pour moi. A chacun son époque. Actuellement, il y a beaucoup
plus de sous dans ce milieu. Je suis fier, sans hypocrisie, de nos professionnels
qui évoluent dans les meilleurs clubs en Europe. Mais il faut que je le précise,
ils sont polis et courtois avec moi. Et j’en suis énormément satisfait.

Qu’entendez-vous par “la chance n’était peut être pas de mon côté” ?

Je vous évoque le facteur chance pour des raisons tirées de ce que j’ai connu
des gens qui étaient moins doués que moi mais qui ont eu des ouvertures que je
n’ai pu avoir. Je crois qu’il faut que je rende grâce à Dieu, parce que j’ai
terminé ma carrière sans décrépitude. Et je me réjouis du fait que lors des 50
ans de la CAF, j’ai été parmi les cinquante meilleurs joueurs des cinquante
dernières années. C’est une satisfaction personnelle. C’est dire aussi que
tout ce que j’ai fait n’est pas resté vain.

Il y a des mauvaises langues qui affirment que vous étiez paresseux, si bien que
vous auriez eu des démêlés avec Philippe Troussier. Et elles imputent votre
échec à cette situation. Qu’en dites-vous ?

Quand on accepte d’être un homme public, on s’expose aux critiques. On ne peut
pas faire le porte à porte pour se justifier. C’est pour cette raison que je me
suis mis au-dessus de beaucoup de choses et ai accepté beaucoup de choses. J’ai
fait ce que je pouvais. Et techniquement, je sortais quand même un peu du lot parce
que sans prétention, j’étais au point. Philippe Troussier a plutôt vu en moi
d’énormes potentialités que je n’arrivais pas à exprimer sur le terrain. A
chaque fois, il me demandait un peu plus. Il me faisait des remarques afin que je
puisse me surpasser et m’améliorer. Avec Troussier, ce n’était pas des
démêlés. C’est quelqu’un qui m’a fait beaucoup de bien. Ce sont les gens
qui en ont fait une histoire, un problème. Je n’ai donc pas à justifier quoi que
ce soit.

Les Ivoiriens ont tellement cherché à savoir la cause de votre chute que certains
se sont permis de dire que Ben Badi a croupi sous les malédictions de ses parents.
D’autres ont affirmé que Ben Badi était cleptomane. Ou est la vérité dans tout
ça ?

Excusez-moi si je rigole, parce qu’on ne peut rien contre ce que disent les gens.
Je suis dépassé. Ce sont des choses qui, pour ainsi dire, me surprennent. Je ne
suis pas maudit. Mon père est décédé, mais j’ai de très bonnes relations avec
ma mère et les parents de mon père. Je n’ai jamais été cleptomane. Ce ne sont
que des rumeurs. Et tout ce que j’ai aujourd’hui, je mérite de les avoir.
Je ne me reconnais pas en ce qu’ils disent. Je n’ai jamais volé. Un homme
public dès qu’il rentre dans un milieu, doit accepter toutes les critiques. Je ne
me reproche rien. J’ai la conscience tranquille et j’ai fait ma carrière comme
je le pouvais.

Votre transfert du Stella à l’Asec en son temps, a suscité des problèmes. Que
s’est-il passé ?

Je tenais à absolument jouer à l’Asec. La réticence des uns et des autres a
occasionné l’intervention du Ministère de tutelle. Et c’est le Ministre
Laurent Dona Fologo qui a tranché. Il a décidé que je fasse librement le choix de
mon club. Je voulais aller à l’Asec du fait de sa popularité et du fait qu’il
y avait des joueurs auxquels je voulais ressembler.

En 2001, Ben Badi semblait vouloir embrasser une carrière politique lorsqu’il a
été vu, pendant les préparatifs des élections municipales à Cocody, au devant
de la scène ?

Je n’ai jamais eu l’intention de faire de la politique. J’ai un ami du nom de
Hamed Bakayoko, aujourd’hui Ministre des NTIC, qui voulait se présenter aux
municipales à Cocody sous la bannière du RDR. Moi j’assume mes amitiés et mes
relations. Je voulais tout simplement lui apporter ma contribution par mon soutien.
En ce qui me concerne, je n’ai pas de coloration politique. Je ne suis ni RDR, ni
PDCI, ni FPI. Je voulais l’aider parce que pour moi l’amitié, c’est quelque
chose de sacré. Et si c’était à refaire, je n’hésiterai pas à le faire.
Je suis très fidèle en amitié.

Comment jugez-vous la forme des Eléphants en ce moment ?

Si je ne m’abuse, nous avons une équipe des Eléphants qui est la meilleure sur
le plan africain et mondial. Individuellement, on a des joueurs qui jouent dans de
grands clubs en Europe. C’est un avantage pour nous. Maintenant, peut-être que la
mayonnaise met du temps à prendre. Mais, je crois que cette équipe gagne en
maturité, surtout en solidarité. La performance de cette équipe sur le plan
international ne sera véritablement effective que si elle joue collectivement.

Si l’on vous demandait de recomposer l’attaque des Eléphants, quels sont ceux
que vous choisiriez ?

L’équipe de Côte d’Ivoire a de grands attaquants. Commençant par Didier
Drogba, Arouna Koné, Arouna Dindané, Baky Koné, Kader Keïta, Akalé Kanga, on a
plein de grands joueurs. Il y a les jeunes Kalou et Gervinho qui peuvent apporter un
plus à la sélection. Pour moi, à l’attaque l’idéal sera d’avoir Baky
associé à Didier Drogba, à droite Dindané et à gauche Akalé.

Est-ce que Ben Badi a une fois appelé Drogba pour le soutenir dans ses difficultés
? Doit-il rester à Chelsea ?

Quand il était à Marseille, j’étais en contact avec lui. Pendant ses premières
années à Chelsea, on s’appelait régulièrement. Mais après, je n’ai plus eu
de ses nouvelles. Sinon à part lui, je suis en contact avec Arouna Dindané,
Baky, Kolo Touré et Maestro. Ce sont des jeunes qui font l’effort de
s’enquérir de mes nouvelles et profiter de mes conseils. Quand ils sont à
Abidjan, ils m’appellent et me rendent visite. On échange très souvent. Mes
conseils leur permettent aussi de s’améliorer. Pour en revenir à Drogba Didier,
je dirai que c’est un joueur de haut niveau. Il peut donc faire ses preuves
partout.

Pensez-vous que Baky pourra avoir une bonne saison ?

Baky est un joueur qui, physiquement, ne sait pas tricher, qui sait se battre. Pour
moi, il pourra faire une très bonne saison.

Des Ivoiriens pensent que c’est Yéo Martial qui peut redonner une autre Coupe
d’Afrique à la Côte d’Ivoire ? Qu’en pensez-vous ?

Les gens sont certainement nostalgiques. Yéo Martial a effectivement du mérite,
mais je pense qu’en tant que directeur technique national, il est mieux de ne pas
le déplacer. Il faut le laisser où il est. Pour ce qui est de la Can, chacun peut
apporter ce qu’il peut. Elle ne dépend pas forcément de Yéo Martial.

Sénégal 1992, 17 ans après, quel souvenir cela vous inspire ?

D’abord, ma présence au sein de l’équipe A. Ensuite, l’acquisition de la Can
pour la Côte d’Ivoire. En plus de ce moment qui m’a vraiment marqué, il y a ma
première participation à la Can 86, où j’ai qualifié l’équipe nationale
pour les demi-finales. Je peux aussi citer l’échec de l’Asec en 1995 face à
Orlando Pirates et sa victoire face à l’Ashanti Kotoko de Koumassi au Ghana. Ces
moments parmi tant d’autres, restent pour moi un souvenir inoubliable. Pour en
venir au 17 ans, je pense que j’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai pu
apporter toute la satisfaction au public. Aujourd’hui, le foot a accru ma
notoriété. J’ai une réputation transfrontalière. Je vais dans des hauts lieux.
En dehors de ce que je viens de rappeler comme beaux souvenirs, j’ai aussi connu
des moments de déception. Il s’agit des critiques dont nous faisons l’objet et
qui souvent ne sont pas justifiées.

Lors de la Can qui vient de prendre fin à Kigali, au Rwanda, les Eléphanteaux
juniors ont connu 3 défaites. A qui la faute ? Les encadreurs ou les joueurs ?

Quand ça marche, ce sont les joueurs qui sont talentueux, géniaux. Mais lorsque
ça ne marche pas, ce sont les entraîneurs qui sont incompétents. Cela devient de
plus en plus une symphonie inachevée qui est en train de prendre l’allure d’un
slogan.. Aujourd’hui, vous n’avez que des gloires à la tête de la sélection
des juniors. Vous avez Amani Yao César Lambert, Koné Bakari, Alain Gouaméné et
moi-même. Il ne faut pas seulement juger la personne des encadreurs il faut plutôt
porter des critiques sur le jeu et l’encadrement au sens propre du terme.
L’effectif que nous avions à Kigali, était le meilleur puisqu’il regroupait
les meilleurs juniors. Par ailleurs, il faut savoir qu’une sélection ne se fait
pas au hasard. Nous sommes tous interpellés et nous irons sur de nouvelles bases.
Nous retravaillerons pour que cette équipe soit aux Jeux Olympiques.

Est-il opportun d’organiser une Can des locaux ?

C’est une excellente idée. Et c’est quelque chose que j’encourage. Ce sera
une occasion pour valoriser des talents. J’en profite pour dire que ce sera un
pari réussi pour Jacques Anouma, qui est un homme qui sait se battre, qui sait
relever les défis.

Envisagez-vous devenir entraîneur de la sélection nationale ?

Cela fait bien partie de mes ambitions. Et je me battrai pour être à la tête de
cette sélection. Et je suis très optimiste. J’en profite pour remercier le
quotidien l’Intelligent d’Abidjan, son Directeur de publication, son Directeur
général et son rédacteur en chef pour cette interview. C’est une grande
première pour moi depuis longtemps que d’être approché par un organe de presse
pour en savoir plus sur ma vie. L’Intelligent d’Abidjan m’a permis de
m’exprimer après toutes ces années passées dans l’ombre. Encore une fois
merci.

Interview réalisée par KY

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