Accueil

vendredi 2 novembre 2012

PPTE

par Théophile Kouamouo

La fabrication d'amnésie est un sport difficile. Là où notre ami Venance Konan accusait récemment le grand méchant Gbagbo d'être celui qui a fait de la Côte d'Ivoire un pays pauvre très endetté, les économistes du parti dont il est proche (le PDCI) publient des déclarations justifiant le fort endettement de la Côte d'Ivoire au nom du développement, et affirment que ce sont eux les pères de l'initiative PPTE tant raillée par un certain nombre de chroniqueurs de leur bord.


"La Côte d'Ivoire, bien que classée pays à revenu intermédiaire a pu se rendre éligible en 1998, en faisant admettre et prévaloir le ratio service de la dette sur recettes budgétaires (50%) au lieu du ratio habituel service de la dette sur recettes d'exportations(25%), C'est le coup d'Etat de 1999, qui a empêché la réduction effective de la dette, prévue en mars 2001. Par conséquent l'Initiative PPTE ne date pas d'aujourd'hui!"


Nous avons donc perdu du temps dans un faux débat, complètement superficiel, sur la politique économique du pays des Eléphants. Par ailleurs, il me semble vain de parler de la Côte d'Ivoire comme d'un pays isolé évoluant en dehors d'un certain contexte. Quasiment tous les pays africains sont passés par les Programmes d'Ajustement Structurel (mises sous tutelle de pays qui n'arrivent pas à payer leurs dettes), et par l'initiative PPTE. Pourquoi cette forme de fatalité ?

Mon point de vue est que c'est tout simplement parce que l'Afrique subsaharienne a échoué dans la construction d'Etats modernes. Les Etats modernes ne contractent pas des dettes tous azimuts, pour des projets inutiles, à des taux usuraires. C'est bien ce qui s'est passé pourtant en Côte d'Ivoire et ailleurs. Les Etats modernes ne font pas tout et n'importe quoi et laissent le secteur privé créer de la valeur ajoutée au lieu de monter des usines clé en main sans la moindre étude pour "aider" des amis à Paris ou d'acheter des usines abandonnées aux Etats-Unis. Des Etats modernent savent collecter l'impôt, organiser le secteur financier. Nous avons trop laissé nos pays dans les mains des multinationales et maintenu toute la production nationale de richesses dans les marges de l'informel. Nous avons persécuté les créateurs de PME, encouragé les secteurs économiques non "normés", le pillage postcolonial et le parasitisme de l'administration.

Si nous maintenons cette "économie politique du masochisme", l'initiative PPTE ne servira à rien. Au Cameroun, par exemple, malgré les "milliards" du PPTE, le taux de croissance ne cesse de baisser, et les prévisions pour cette année sont d'environ 2%.

Peut-être tout cela arrive parce qu'on n'a pas tiré les leçons du passé, et que le niveau des querelles politiques locales empêche le grand nombre - et l'élite ! - de prendre conscience de la nature du problème, qui dépasse bien les considérations "messianiques" et les diverses manoeuvres de propagande de la gauche ou de la droite.

Aucun commentaire: